Nous avons récemment consacré une section spéciale de notre Guide à la nouvelle programmation 2021-2027 et avons déjà mentionné à plusieurs reprises l’importance de la définition du prochain cadre financier pluriannuel pour l’avenir des projets européens.
Mais comment fonctionne le processus de définition et d’approbation des fonds et programmes européens pour une période donnée (année ou septennat) ? Il s’agit d’une question très générale, mais qui nous semble essentielle pour éclairer certains des articles que nous avons publiés et que nous publierons sur ce sujet.
Il s’agit également d’une question complexe, à laquelle nous répondons par trois questions successives, à des niveaux de détail croissants. Préparez-vous à un billet un peu plus long et plus articulé que d’habitude, mais, je l’espère, utile, dense et très instructif !
Bonne lecture !
Q. : Qu’est-ce que le budget de l’UE ?
R. : Cette toute première question n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. Nous avons tenté une première explication succincte dans les premières parties de notre guide. En fait, ce qui concerne le budget de l’UE et intéresse les lecteurs de notre guide peut être décomposé en quatre aspects différents :
- La définition et l’approbation des ressources (« ressources propres« ) disponibles pour la mise en œuvre des politiques et programmes européens et pour le fonctionnement des institutions de l’UE. Cette décision très générale n’est nullement acquise : elle est au contraire récurrente et nécessaire car l’UE ne dispose pas d’un système propre de recettes fiscales ou extra-fiscales et ne peut pas émettre de titres de créance. Pour financer ses activités, elle doit en effet « battre les comptes » auprès des États membres. Le montant des ressources propres a un impact évident sur le périmètre du cadre financier pluriannuel, des budgets annuels individuels et des programmes européens individuels.
- La définition et l’approbation d’un cadre financier pluriannuel (CFP), c’est-à-dire un document de programmation fixant les montants annuels maximaux des crédits, répartis par catégorie de dépenses, pour une période de sept ans. Chaque budget annuel doit être inclus dans ces plafonds, de même que chaque dépense allouée année après année aux programmes et politiques de l’UE.
- La définition et l’approbation d’un budget annuel de l’Union, qui définit en détail l’allocation des ressources pour une année civile donnée. Il s’agit d’un budget largement prédéterminé par les contraintes susmentionnées du cadre financier pluriannuel : c’est le CFP et la définition des ressources propres (plutôt que les budgets annuels individuels) qui catalysent le débat (et l’affrontement politique) entre les États membres et les institutions de l’UE.
- La définition et l’approbation des règlements des différents programmes européens, qui identifient les règles de fonctionnement, les objectifs généraux, les axes, les mesures, les modalités d’intervention, les critères d’éligibilité et (évidemment) les dotations financières de chaque programme, dans les limites fixées par le cadre financier pluriannuel.
Dans les quatre cas, des allocations financières ayant une forte signification politique et stratégique sont mises en œuvre. Mais chaque décision concerne un niveau différent et (comme nous le verrons) suit des voies différentes.
Q. : Quelle procédure conduit à la définition et à l’approbation du budget de l’UE ?
R. : Les procédures sont différentes pour chacun des quatre niveaux définis dans la réponse précédente.
- Le système des ressources propres consiste en une série de parts de contribution que les États membres doivent payer pour le fonctionnement de l’Union (basées aujourd’hui, pour chaque État, sur les droits et la TVA perçus et sur le revenu national brut). Sa définition relève du Conseil de l’Union européenne (qui doit l’approuver à l’unanimité) et des États membres (qui doivent ratifier la décision et dont les ministres composent le Conseil lui-même). Les autres institutions de l’UE expriment des avis, des scénarios et des propositions sur ce sujet. Le Parlement européen lui-même n’a qu’un rôle consultatif dans ce domaine et exprime une position non contraignante.
La procédure est régie par l’article 311 du TFUE (également connu sous le nom de Traité sur le fonctionnement de l’UE ou traité de Lisbonne). Vous pouvez suivre l’actualité processus législatif .
- La définition du cadre financier pluriannuel commence par une proposition initiale de la Commission européenne. Son processus d’approbation requiert : 1) l’accord préalable du Parlement européen, qui dispose d’un « droit de veto » de fait ; 2) le consentement unanime du Conseil européen (qui a également la possibilité de s’exprimer à la majorité qualifiée au lieu de l’unanimité). Cela nécessite un processus de négociation approfondi entre le Conseil et le Parlement et au sein du Conseil lui-même. L’un des aspects clés de cette négociation est le montant du « paquet » global disponible pour le cadre financier pluriannuel, évidemment lié au système des ressources propres.
La procédure est régie par l’article 312 du TFUE . Vous pouvez suivre l’actualité processus législatif .
- La définition du budget annuel de l’Union suit un chemin beaucoup plus précis en termes d’étapes institutionnelles et de calendrier. Deux infographies proposées par le Parlement et le Conseil européen peuvent être consultées ici et ici. Les deux institutions ont des pouvoirs symétriques dans ce processus et sont en mesure d’évaluer et d’amender, de rejeter et d’approuver leurs positions respectives, avec l’aide, si nécessaire, d’un comité de conciliation conjoint. Toutefois, le Parlement a la possibilité d’adopter le budget annuel même si, à la toute dernière étape, l’approbation du Conseil européen fait défaut.
La procédure est régie par l’article 314 du TFUE . Il est évident que le Le budget de l’UE pour 2020 (dernier de la période de sept ans 2014-2020) a déjà été approuvé (ici le processus législatif ).
- L’élaboration des règlements pour les programmes européens individuels suit une procédure législative ordinaire dans laquelle le Parlement et le Conseil européen examinent une proposition élaborée par la Commission et leurs positions respectives à travers trois étapes de « lecture », à l’issue desquelles le règlement peut (ou non) être adopté. A cet égard, nous vous proposons uneexcellente infographie du Parlement européen qui explique clairement les différentes étapes du processus avec diverses informations complémentaires, notamment une explication complète de chaque étape et un résumé des documents qui en résultent (important pour se repérer dans la terminologie !).
La procédure est régie par l’article 294 du TFUE . Chaque programme européen fait l’objet d’un règlement spécifique, dont le processus législatif peut être suivi à travers le site Internet de la Commission européenne. prospectus spécifique de notre guide.
Q. : Comment ces processus sont-ils appliqués dans la pratique ?
R. : Distinguer ces quatre dimensions et savoir comment elles fonctionnent permet d’interpréter correctement les informations fournies par diverses sources (y compris notre Guide !) lorsque l’on parle de manière générique du « budget de l’UE ». Vous trouverez ci-dessous quelques exemples d’application des processus décrits ci-dessus et quelques réflexions.
Comme expliqué, la définition du système des ressources propres et la négociation du cadre financier pluriannuel relèvent de procédures différentes. Cependant, ils sont étroitement liés et sont souvent traités ensemble dans les communications, les résolutions et sur les pages web des institutions de l’UE :
- la Commission (qui prépare la première proposition de CFP) doit associer les montants de référence aux besoins identifiés, aux programmes et aux rubriques de dépenses ;
- Le Parlement (lors de l’évaluation, de la négociation et de l’approbation du CFP) examine (entre autres) l’adéquation des ressources aux objectifs identifiés ;
- le Conseil fixe le plafond des ressources à la fois en fonction des disponibilités financières des États membres et de la mesure dans laquelle les rubriques du CFP sont perçues comme servant leurs intérêts.
Dans la phase actuelle de définition des ressources propres et du cadre financier pluriannuel:
- La Commission européenne a présenté deux propositions en mai 2018, l’une concernant le système des ressources propres et l’autre le cadre financier pluriannuel (avec annexe). Ses propositions prévoient une augmentation des ressources disponibles en augmentant certains taux existants et en introduisant trois nouvelles sources de financement. La logique de la proposition de CFP et des différentes rubriques de dépenses est expliquée en détail non seulement dans la proposition elle-même, mais aussi dans une série de documents de synthèse et de documents thématiques rassemblés sur cette page.
La proposition fait suite à un livre blanc sur l’avenir de l’Europe publié en mars 2017 et à une série de réflexions thématiques ultérieures rassemblées sur cette page.
Le débat sur les ressources propres et le cadre financier pluriannuel se chevauchant avec les élections du Parlement européen (mai 2019) et la nomination de la nouvelle Commission (novembre 2019), la Commission a produit deux documents supplémentaires :
- une contribution (ou un appel, adressé principalement au Conseil) pour reprendre rapidement les travaux de préparation et d’approbation du nouveau CFP (juin 2019) ;
- une nouvelle contribution (avec explication pour le grand public) justifiant l’importance et l’urgence des choix mis en œuvre dans la proposition de CFP (octobre 2019) ;
- un plaidoyer répété sur les mêmes questions par la nouvelle présidente de la Commission européenne (Ursula von der Leyen) à la veille du Conseil européen de février 2020.
La Commission a donc joué son rôle d’initiative dans le processus de définition du système des ressources propres et du CFP. Il suit de près les travaux des interlocuteurs politiques du processus, à savoir le Parlement européen et le Conseil européen.
- Le Parlement européen a déjà déposé plusieurs résolutions concernant les ressources propres et le CFP :
- en mars 2018 (sa position préliminaire sur les ressources propres et le CFP)
- en mai 2018(confirmation de sa position et soutien à celle de la Commission)
- en novembre 2018 (sa position interlocutoire, plus détaillée que la précédente).
- en avril 2019(confirmation de sa position et du lien entre le CFP et les ressources propres)
- en octobre 2019(confirmation de sa position après les élections européennes)
La position du Parlement est encore meilleure que celle de la Commission, puisqu’elle prévoit une augmentation supplémentaire pour certains postes budgétaires, rubriques et programmes considérés comme stratégiques.
Le site web du Parlement européen comporte plusieurs pages approfondies, riches et actualisées, qui témoignent d’une activité intense sur ces questions :
- l’actualité, en rapportant les interventions des représentants du Parlement à des moments importants (propositions du Conseil, réunions de négociation, résolutions propres, etc.)
- l’information, qui contient divers éléments utiles(chronologie, résumé de la position du Parlement et des données connexes, présentation des négociateurs)
- analyse (examen d’infographies, d’explications et de publications sur le sujet)
En ce qui concerne le rôle du Parlement dans cette partie du processus décisionnel, la résolution finale de la phase de négociation précédente (avril 2014), dans laquelle des leçons et des recommandations utiles pour l’avenir sont tirées, est intéressante. Le CFP 2014-2020 a été le premier à être défini par les règles décrites dans ce billet (c’est-à-dire le TFUE mentionné ci-dessus) et le CFP 2021-2027 sera donc le deuxième.
Le Parlement européen joue donc énergiquement son rôle de négociateur, comme l’exige la procédure : il ne peut pas se prononcer de manière contraignante sur les ressources et ne participe pas (formellement) à la formulation du CFP, mais ses positions et résolutions ont un poids considérable en vertu de son nécessaire avis conforme (ou droit de veto) sur le CFP.
- Le Conseil européen a un moins bon « historique » d’actes officiels concernant le CFP et les ressources propres que la Commission et le Parlement. L’action menée est bien résumée dans une chronologie constamment mise à jour, qui indique les principales étapes et résolutions :
- En 2018, le Conseil s’est contenté de prendre note des propositions et d’inviter le Parlement à prendre position à leur sujet. En novembre 2018, la présidence autrichienne a présenté un projet de schéma de négociation avec quelques notes thématiques, mais sans aucun chiffre sur les chiffres prévus pour le nouveau CFP et ses différentes rubriques. Le Conseil de décembre 2018 a fixé l’objectif de parvenir à un accord à l’automne 2019 ;
- En 2019, l’activité s’est poursuivie au niveau des groupes de travail techniques du Conseil. À la veille de la réunion du Conseil de juin 2019, la présidence roumaine a présenté une nouvelle version du projet de cadre de négociation, qui ne contient toujours pas de données chiffrées. Une première note sur les ressources propres a été publiée en juillet ;
- À la veille du Conseil de décembre 2019, la présidence finlandaise a finalement présenté un projet de schéma de négociation chiffré (en retrait par rapport aux propositions précédentes, commentées ici) ;
- le Conseil de février 2020 (en convocation extraordinaire) n’est pas parvenu à des conclusions sur le budget 2021-2027. En effet, les différents projets de canevas de négociation sont l’expression du travail technique de la Présidence et n’engagent pas le Conseil. Un nouveau Conseil est attendu pour la fin du mois de mars 2020.
Cette voie exprime la complexité du travail purement technique, politique et de négociation effectué au sein du Conseil pour arbitrer entre les intérêts des 27 États européens, exacerbée par la nécessité d’un accord unanime et la nécessité d’obtenir l’accord du Parlement européen. Ici un examen (non institutionnel) de la question. La route au Conseil ne sera pas facile : l’apparition des premiers chiffres du projet de négociation et la convocation récente de Conseils extraordinaires confirment que le débat est bien lancé.
Cette analyse de la discussion sur la nouvelle programmation exprime efficacement l’importance relative du CFP et des ressources propres par rapport au budget annuel:
- a également sa propre pertinence politique et opérationnelle, mais elle n’est pas le terrain d’un débat politique et institutionnel tout aussi passionné ;
- prévoit une procédure de discussion et d’approbation beaucoup plus détaillée et définie sur le plan juridique et procédural, comme expliqué ci-dessus.
Qu’en est-il des règlements relatifs aux différents programmes européens? Comme expliqué ci-dessus, chaque règlement suit sa propre procédure législative très bien définie(procédure législative ordinaire).
Comme indiqué dans notre prospectus, à l’heure actuelle :
- pour tous les programmes, une proposition de règlement a été publiée par la Commission;
- Une résolution du Parlement européen (première lecture) a été votée pour la quasi-totalité des programmes ;
- Pour tous les programmes, des discussions sont en cours au sein des comités techniques du Conseil, mais aucune position officielle n’a été présentée.
La date de présentation des propositions de règlements de la Commission (au lendemain de la présentation des propositions relatives au CFP et aux ressources propres) confirme le lien étroit qui existe entre ces propositions et les programmes européens. La position du Parlement sur les programmes individuels est également cohérente avec celle sur le CFP. Le fait que le Conseil n’ait pas présenté de positions officielles sur les différents programmes européens est également cohérent avec l’absence d’accord (jusqu’à présent) sur un budget global.
C’est pourquoi il est important de l’entretenir :
- consultez notre aperçu des programmes individuels, où vous trouverez des informations sur la structure technique des programmes individuels et leur processus législatif officiel ;
- un œil sur notre section consacrée à la nouvelle programmation 2021-2027, où vous trouverez des informations plus générales sur ce processus de négociation, qui se traduira par diverses évolutions des dotations budgétaires disponibles.